Celle qui relie, Zéno Bianu, 2013.


Une luminosité singulière émane des livres reliés par
Louise Bescond. Une douce lumière sourde. Un
rayonnement persistant. Celle qui relie entend ici
ouvrir un espace aimanté – vivant, vibrant. Elle entend
relier, au sens le plus vaste, se faire passeuse de mots,
passeuse de pages, passeuse de livres. Faire affleurer
la présence pour relier vraiment choses et êtres. Lier
ensemble, rendre solidaire. Créer un espace où l’on
peut s’absorber.
Un grand pouvoir de suggestion s’exerce dans tous ces
volumes. Quelque chose qui pénètre lentement
dans la conscience. Un flottement insoupçonné, une
secrète vibration inscrite à même la peau du livre. Et
qui le transforme en tremplin de méditation, en livre
de chair et de chant. J’ai fixé patiemment tous ces
vertiges, semble nous dire celle qui relie – à vous de
voir, de sentir, d’éprouver.
De telles reliures n’arrêtent jamais le cours de la parole. Au
contraire, elles la célèbrent, lui offrent un toucher,
la rendent tactile, comme si elles en restituaient la
pulpe, le battement vibratoire. Elles sont des mises
en résonance, elles créent un climat de lecture,
tracent un accès au paysage intérieur.
On sent là, et c’est toujours le signe de l’art, quelque chose qui a
trouvé sa sensibilité, son ardeur, sa polyphonie. Une
cartographie affective, les pierres de touche d’un
voyage mental continu. Celle qui relie s’invente une
marche dans les mots toujours plus avant. Elle n’a
de cesse de métamorphoser les livres en sanctuaires
enthousiastes.

Zéno Bianu
Poète, écrivain

Texte extrait du catalogue de l’exposition Louise Bescond – Reliures, 4 avril – 18 mai 2013, Librairie Nicaise